Notre chroniqueur Omar Wild termine son reportage avec une interview du créateur de Parlana :
Trois questions à Jody Vagnoni, créateur de Parlana.
Tu es Italien, comment as-tu eu l’idée de créer un événement tel que Parlana en Bolivie ?
J’ai vécu et voyagé dans plusieurs parties du monde et à chaque fois je cherchais à rencontrer les habitants du pays, car je savais que ma perception du pays, en tant qu’étranger, était limitée.
Je trouvais ce lien très fort entre un étranger et des locaux, car l’étranger peut changer son point de vue sur la culture du pays, et les locaux peuvent comprendre les questionnements de l’étranger.
J’appelle ce lien une « co-construction »… Puis j’ai atterri en Bolivie en tant que bénévole et j’ai connu beaucoup d’autres voyageurs qui cherchaient à communiquer. J’ai alors créé une réunion, comme un café linguistique en Europe, mais je voulais lui donner un nom original en Quechua, la langue locale. « Parlana » veut dire « parlons », sa sonorité est compréhensible par tout le monde. Cela a commencé tout petit mais ça a très vite grandi car je ne voulais pas limiter l’événement au simple échange linguistique; il y a beaucoup de belles choses cachées en Bolivie, je voulais que l’événement devienne une occasion de découverte de la culture… C’est devenu une grosse gestion qui jongle entre sortie culturelle et teuf! J’aime cette ambivalence entre le fait de se cultiver et se détruire. En Bolivie, aucun rendez-vous, même religieux ou autochtone, ne peut finir sans fête et sans destruction, fête et boisson.
Le tourisme de masse est très récent en Bolivie, avec des bons et des mauvais effets. Qu’en penses-tu ?
La Bolivie a un énorme avantage avec ses territoires que tout le monde connaît et ceux qui sont inconnus. Ce qui est connu, c’est une sorte de zone de confort, La Paz, Salar de Uyuni, le Lac Titicaca. Très peu de voyageurs vont dans les villages et les vallées. La plupart sont juste de passage et veulent enchaîner les pays d’Amérique Latine. Mais ce qu’on ne mentionne pas, c’est l’impact que ce pays a sur les voyageurs étrangers. La plupart viennent ici avec de petites attentes et repartent en ayant vécu une expérience bien plus riche que celle vécue dans d’autres pays. Ici on peut pratiquer un tourisme alternatif de bonne qualité car rien n’est encore systématisé et l’expérience vécue sera unique, où tout reste encore à découvrir et à explorer, par rapport aux autres pays du continent.
Quels sont les prochains projets de Parlana en Bolivie et dans le monde ?
La Bolivie est un pays énorme et il manque encore plein de services touristiques, comme les visites urbaines, la valorisation de la culture locale, le service personnalisé. Parlana est un service alternatif. Nous avons un nouveau projet qui s’appelle Parlana Experience et qui a déjà gagné deux prix comme meilleure start up en Bolivie. Il s’agit d’une plateforme où les résidents proposent de partager leur savoir-faire avec des voyageurs. Ces résidents s’appellent les « gurus ». Il y a le guru culturel, festif, sportif, explorateur, féru de gastronomie, artisan, spirituel, etc. Ces personnes ont leurs passions, leurs expériences et leur vision de la Bolivie, qu’ils veulent partager avec des voyageurs. Par exemple, je suis un « guru culturel » et je fais des retraites de cinq jours dans la vallée. Certaines agences proposent ce même type de services, mais elles n’ont pas un guru qui propose un service personnalisé, sur mesure, où il partage sa vie avec toi, et à un prix moindre, fixé par le guru… Ce n’est pas réservé qu’aux jeunes guides. Par exemple, un de nos bénévoles a fait découvrir le lieu de vie d’une femme paysanne avec qui tu vas récolter des légumes et cuisiner un plat, puis tu vas te baigner dans la rivière qui passe à côté de sa maison. Cette femme est devenue un « guru » depuis. Et ça n’existe ni dans une agence touristique, ni dans Trip Advisor, Lonely Planet, ou autre site.
Omar W.
Crédits photo: Adrian Cardozo