Jour 1 : Ou comment revoir ses attentes.
Se préparer pour un festival est toujours un moment d’excitation pour les amateurs de musique. Dès l’annonce des premiers noms de la programmation, on se plaît à organiser un petit planning au coin d’une serviette en papier, on se prend à rêver des découvertes qui pourraient nous séduire, on se questionne sur quel groupe aller voir en priorité quand deux horaires se superposent… Bref, on se construit des attentes.
Il faut dire que ces (hors-)temps de relâche, qui s’apparentent pour certains d’entre nous à des petites vacances, cristallisent beaucoup d’espérances. Soixante concerts en trois jours, répartis sur cinq scènes, en périphérie de la très architecturale cité de Nîmes, font du This Is Not A Love Song ! un lieu où ces espoirs vont justement exploser, et se confronter à la dure réalité de la vie en festival. Entre attentes et réalités, comment concilier nos envies avec les impondérables frustrants qui s’imposent à nous ?
Avant même d’arriver sur le très joli spot du Tinals, accolé au Paloma (la Smac de Nîmes), j’avais dans la tête ma liste de concerts à arpenter. De la même manière que le voyageur un peu peureux se fie à son guide du routard, j’avais fait mon choix a priori sur ce que j’allais voir, en me basant sur mes connaissances (lacunaires) des groupes à l’affiche. Pour le premier soir, outre les gros noms de Flying Lotus et Moderat, mes envies s’étaient portées sur trois groupes : Goat Girl, Andy Shauf et Alex Cameron. Comment digérer ma frustration quand je me rend compte qu’arrivé à 21h suite à un départ tardif, j’ai déjà loupé trois des cinq groupes que j’avais désespérément envie de voir. Je fais donc passer à la trappe The Make-Up de dégoût et en profite pour flâner autour du festival, et surtout récupérer les ustensiles nécessaires à tout bon festivalier : le pass Cashless pour pouvoir payer les consommations et les animations sur le festival, ainsi qu’une bonne bière blonde bien fraîche.
Je navigue donc sur le site du festival. Comme les années précédentes, le lieu se divise en 2 grands espaces, un intérieur et un extérieur. Trois salles sont présentes dans l’enceinte du Paloma : la Grande Salle (qui accueille les grands noms de cette édition) le Patio (une petite cour intérieure équipée d’une scène rudimentaire) et la Love Room (une espèce de club lounge où se suivent Djsets et karaokés). Dehors, entre différents foodtrucks et stands d’animations, sont disposées trois scènes : Flamingo, Bamboo et Mosquito (par ordre de taille décroissante). L’ensemble ressemble à une jolie plage aménagée avec quelques stands sympathiques (disquaires, bouquinistes, atelier couronne de fleur, hôtel de mariage, coiffeur…) qui donnent une ambiance estivale de bord de mer aux contours du Paloma.
Après avoir zoné un bon moment, je décide de ravaler mon amertume et me dirige vers mon premier concert de la soirée. Il est déjà 22h30 et Flying Lotus commence sur la scène Flamingo. Premier contact impressionnant avec le Djset du californien. Enfermé entre deux grands rideaux sur lesquels viennent frapper des projections vidéos, Steven Ellison, seul aux platines, s’acharne à déconstruire et broyer ses morceaux devant un public qui se densifie petit à petit. Si le set débute fort, une certaine lassitude s’affirme au fil du concert. À force de noyer le poisson, et de refuser au public la teneur psychédélique de son projet pour ne converser que la partie électro-trap plus destinée aux clubs, Flying Lotus s’enferme vite dans des gimmicks agaçants et peine à convaincre ; la plupart de ses morceaux terminant sur des anti-climax frustrants. Ajoutez à ça des visuels simplistes pas toujours de très bon goût et la diffusion opportuniste d’une bande-annonce de film dont il participe à la B.O en fin de set, vous obtenez la seule grande déception de ce festival. Autant vous dire que pour un premier contact, ça ne rassure pas.
Deuxième phase de déambulation. Suite à la déception engendrée par Flying Lotus (qui était une des grosses raisons qui justifiaient mon pass trois jours), je ne suis pas d’humeur à aller découvrir Chris Cohen ou Danny Brown, malgré les nombreuses recommandations de mes amis. Je traînasse donc mollement à travers les stands, décide de passer de la bière au coca afin d’être en mesure de prendre la voiture à 2h du matin à destination du Airbnb que l’on loue en centre ville et je me dirige vers la Love Room. Lumière tamisée et ambiance feutrée transforment la salle, où j’avais pu voir Moodoid pour un concert aussi épique qu’inattendu il y a quelques années, en une sorte de boîte de nuit champêtre à l’atmosphère bon-enfant. Je participe un peu à un karaoké de Creep hurlé par l’ensemble de l’auditoire déjà bien éméché (je rappelle qu’il n’est pas encore minuit) et je m’éclipse dès que l’occasion se présente (en l’occurrence, un des festivaliers qui tente une interprétation douteuse de Let’s Dance).
Retour devant la grande scène extérieure pour attendre Moderat, trio électro allemand et fusion des groupes Modeselektor et Apparat. Bonne pioche et l’impact attendu est enfin au rendez-vous. Le groupe commence fort et fait péter dès le deuxième morceau son gros single A New Error, soit le seul titre avec lequel je suis familier (désolé Reminder et Eating Hooks, mais j’ai du mal à retenir vos mélodies). Je me laisse donc porter pendant l’heure et demi de concert maîtrisée et puissante, sublimée par des Vjings et un jeu de lumières aussi créatifs que saisissants. Les deux heures du matin arrivent finalement très vite en compagnie du trio allemand, et ma présence sur cette cinquième édition du TINALS trouve enfin sa justification. Certains de mes amis essaierons de me faire regretter le set de Spring King (programmé au même horaire), mais rien n’y fait : Moderat est vraiment la première claque sans faux-pas que j’attendais tant. Ma petite liste en coin de serviette, si triste depuis mon arrivée sur le sol nîmois, se rassure donc. Oui, au-delà de la bonne ambiance et du soleil de plomb, il y aura des bons concerts ce week-end.
Bilan du premier jour
Vus : Flying Lotus, Moderat
Loupés : Goat Girl, Andy Shauf, Alex Cameron, The Growlers, The Make-Up, Chris Cohen, Danny Brown, Spring King, et le reste.
Claque : Moderat